Redevables ? Certainement pas: dans redevable, il y a "devoir" et il ne faut pas confondre la gratitude, qui est un sentiment, avec une obligation. Ce qu'on fait par devoir se fait en absence de sentiments et c'est heureux. Par exemple si on considère qu'il est de notre devoir de défendre la Nation à un certain moment, les sentiments pourraient être un handicap dans l'exécution de ce devoir. Quand on tire sur l'ennemi, on ne peut pas faire de sentiments. Mais une fois la guerre terminée, il serait terrible que subsistent des sentiments, éventuellement moteurs dans la bataille tels que colère, haine, désir de vengeance. Pour que la paix soit, il faut que les sentiments soient libres.
La liberté, justement, nous ne l'avons pas vis à vis de nos parents: ce sont eux qui nous imposent la vie et par conséquent aussi la mort. Doit-on leur être reconnaissants pour ça ? Je ne pense pas, mais entre les deux extrémités de la vie, il y a tout un espace pour l'Amour, dont certains ont déjà parlé plus haut. Et c'est bien la seule chose qui vaille sur terre, l'Amour des parents pour leurs enfants, des enfants pour leurs parents, des hommes pour des femmes et des hommes,etc.
C'est justement pour cet Amour que nous pouvons, mais non devons, être reconnaissants vis à vis de nos parents. Tout comme ils peuvent nous l'être aussi des bonheurs que nous leur avons apportés par nos sourires et nos mots d'enfants ou de la fierté qu'ils peuvent éprouver à nous voir réussir grâce à l'accompagnement qu'ils nous ont offert.
Mais rien ne peut être exigé. Le devoir, si devoir il y a , il est des parents vis à vis de leurs enfants. Avoir des enfants est une responsabilité qu'il faut ensuite assumer. Il n'est pire drame pour des enfants de ne pas avoir été assumés, et c'est bien pourquoi il vaut mieux pour certains être éloignés de leurs parents naturels et placés sous l'aile de parents adoptifs mais dévoués. Ces parents-là, d'ailleurs, ont d'autant plus de mérite, je trouve.
C'est vrai aussi que les maisons de retraite sont parfois très éloignées du paradis sur terre. mais si on doit comparer avec l'ancien temps, n'oublions pas que les conditions sont très différentes: l'allongement de la vie, l'emploi féminin, la mobilité, font qu'il est difficile, même à ceux qui le souhaiteraient profondément, de maintenir une cellule familiale de trois ou quatre générations. Pour ceux qui trouveraient mes paroles étranges, j'ajouterai que je n'ai ni adopté ni été adopté, que je n'ai pas eu la chance d'avoir à me poser la question sur le maintien à domicile de parents partis trop tôt, mais que je suis parent et que je fais de mon mieux. Si mes enfants me sont plus tard reconnaissants et proches, j'en serai heureux bien sûr, mais s'ils doivent s'éloigner pour vivre leurs vies, je n'aurai pas le sentiment d'avoir été trahi et j'aurai plaisir à voir, même de loin, s'épanouir ces prolongement de moi-même.